Après avoir passé 3 mois au Pérou, le moment était venu de traverser la frontière et d’entrer dans le pays suivant : la Bolivie. Nous avions entendu tout et son contraire sur ce pays, il était temps de nous faire notre propre avis. Voici la première partie de ce récit.
La vie aquatique
Si la route qui longe le lac Titicaca côté péruvien n’était pas très agréable, à peine la frontière bolivienne passée l’ambiance change du tout au tout. Mis à part quelques colectivos qui roulent étonnamment prudemment vers Copacabana, la première ville de ce côté de la frontière, nous avons la route rien que pour nous. On nous parle de cet endroit depuis longtemps et nos attentes sont assez hautes. Malheureusement, bien que le cadre naturel soit magnifique, la ville en elle-même est un peu décevante : c’est une gros pueblo andin tout ce qu’il y a de plus classique, avec son marché sale, ses bâtiments en brique pas terminés, ses câbles électriques qui pendent et ses chiens errants qui fouillent dans les poubelles. Ajoutez là-dessus les boutiques de souvenirs et restaurants à touristes trop chers et pas très bons typiques des stations balnéaires du monde entier et vous aurez une image assez nette de ce qu’est Copacabana.



Cette ville attire autant de touristes surtout parce qu’elle est la porte d’entrée d’Isla del Sol, l’île du Soleil, à laquelle on accède en une heure de bateau. Isla del Sol est le coeur de la mythologie andine. C’est là que le dieu Viracocha serait né et aurait créé les hommes. C’est aussi de là que Manco Capac, le premier Inca, serait parti pour fonder Cusco qui deviendrait plus tard la capitale d’un immense empire qui à son apogée s’étendait sur 4000 kilomètres, du sud de la Colombie au centre du Chili, à une époque où le moyen de transport le plus rapide à travers les Andes était la course à pied. Cette île chargée d’histoire et de légendes fut une destination de pèlerinage très importante en Amérique du Sud avant l’arrivée des espagnols et est aujourd’hui un véritable aimant à backpackers et touristes new age .

Même si nous n’avons pas tellement d’intérêt pour les sites archéologiques, nous avions envie de découvrir ce qui rendait cette île si spéciale. Je suspectais que ce ne soit qu’une simple agglomération de villages un peu dans leur jus mais avec des hébergements et restaurants bien trop chers. Le genre d’endroits que nous traversons tous les jours ou presque en vélo et qui nous semblent totalement banals, mais que les backpackers qui voyagent en bus de ville en ville recherchent pour leur authenticité fantasmée. J’avais tort : Isla del Sol est réellement un endroit à part, principalement parce qu’on y trouve quelque chose de rare et précieux dans les endroits peuplés d’Amérique latine : le silence. Aucun véhicule motorisé ne circule sur l’île, on ne s’y déplace qu’à pieds, et si cette destination est très touristique, à aucun moment nous ne nous sommes sentis étouffés par la masse de visiteurs. Au contraire, nous avons pu profiter pleinement du silence et de la douceur du climat lacustre malgré les 3800m d’altitude. De notre cabane au bord de l’eau nous étions bercés par le bruit du ressac, caressés par le vent doux chargé d’humidité et chaque soir nous profitions de la vue sur les neiges de la Cordillera Real réfléchissant la lumière du soleil couchant de l’autre côté des flots, qui nous a rappelé l’île de Vancouver et évoqué la Patagonie qui nous attend plus au sud. À un moment où l’océan commençait sérieusement à nous manquer, cette véritable petite mer d’eau douce a permis de calmer un peu notre faim en attendant la côte chilienne.






La Paz
Notre planning commence à être un peu serré et pour gagner un peu de temps (que nous perdrons de toute façon par la suite…) nous décidons de prendre un bus pour La Paz, qui nous dépose un dimanche après-midi à un arrêt couvert de crottes de chiens et d’odeurs nauséabondes. La Paz n’est certainement pas une ville agréable : ça pue la merde, la pisse et les pots d’échappement et circuler dans le chaos de ses rues, que l’on soit à pied ou en véhicule est particulièrement déplaisant. À cela s’ajoute l’altitude (autour de 4000m) et le manque d’oxygène pour un pot pourri difficilement vivable.
D’un point de vue touristique, je dirais que La Paz a deux principaux intérêts : sa localisation, avec à la fois des sommets à plus de 6000m, l’Altiplano et l’Amazonie à quelques heures de bus, qui en fait un bon camp de base pour les backpackers. L’autre facteur qui rend la ville attractive pour les voyageurs à petit budget comme nous, c’est malheureusement la crise financière qui sévit dans le pays. Depuis quelques mois, l’inflation de la monnaie bolivienne a engendré un taux de change officieux. C’est un peu compliqué à comprendre au début : officiellement, au moment où j’écris ces lignes un euro vaut 7,5 bolivianos. Mais selon le montant, l’état du billet et l’endroit où on le change, sa valeur peut monter jusqu’à 12 bolivianos. Il en est de même pour la valeur des dollars, soles péruviens, pesos chiliens et reals brésiliens. Par conséquent, notre pouvoir d’achat explose et des petits luxes qui en temps normal seraient inaccessibles deviennent tout à fait abordables, à condition d’en profiter avec modération. C’est là tout le problème : nous tombons dans le piège de la consommation, et dans ce pays qui devait être de loin le moins cher du voyage, notre budget quotidien explose. À La Paz et Sucre, les touristes se refilent les adresses de restaurants dits « gastronomiques » (qui bien souvent n’ont de gastronomique que la taille des portions…) à une dizaine d’euros. Une chambre d’hôtel, un verre de vin pour accompagner le menu, un petit café de spécialité et une tarte au copoaçu en dessert… Et on se retrouve à avoir dépenser 50 euros en une seule et même journée, largement au dessus de notre budget.





Heureusement, dans un monde où tout à un prix, nous avons aussi des choses à vendre qui ont de la valeur. Comme par exemple les cheveux d’Elisa. Les femmes andines ayant souvent de très longues nattes et de très maigres économies, pratiquement tous les salons de coiffure du centre de La Paz proposent d’acheter les cheveux de leurs clientes pour en faire des perruques. C’est un commerce tout à fait officiel et légal, et au vu des prix affichés sur les devantures des boutiques, Elisa espère surtout s’en tirer avec une coupe gratuite. Mais dans un pays où tous les cheveux sont identiques, noirs, raides et fins, sa belle tignasse châtains légèrement ondulés est rare et recherchée. Alors lorsqu’on lui en propose 100 dollars, elle n’essaie même pas de négocier.












Autre piège à touriste dans lequel nous tombons allègrement : les combats de cholitas. Ces combats sont inspirés de la lucha libre mexicaine, dont nous avions assisté à plusieurs shows à Mexico. Les participants portent des costumes colorés… Et c’est à peu près le seul point commun. Au Mexique ces spectacles sont très professionnels : aériens, spectaculaires et acrobatiques bien plus que violents, et attirent des milliers de spectateurs dans des arènes bondées. À La Paz, même avec toute la bonne volonté du monde on a du mal à ne pas se sentir mal à l’aise : il n’y a que des touristes dans le public et ont dirait plus un spectacle de rue amateur et mal ficelé qu’autre chose. Les lutteurs et lutteuses passent plus de temps à s’insulter entre eux, insulter l’arbitre et parfois les spectateurs, se faire des coups bas et haranguer le public qu’à réaliser des acrobaties. Nous n’avons pas tenu jusqu’à la fin…
Nous avons passés de bons moments à La Paz où nous avons retrouvé des amis cyclistes, mais je ne peux rester une minute de plus dans ce chaos urbain. Il est plus que temps de reprendre la route et de retrouver la vraie vie, loin de la ville et de la société de consommation.